Colfontaine fraternel ou La force du réel
Un plat de terre sur la flamme d’une gazinière en marche, une improbable Rossinante de jardin ayant perdu son Quichotte, un canapé́ à coucher dehors avec sa première neige : tous enregistrés avec la même objectivité́ dissipant le filtre des représentations toutes prêtes. Ses photographies condensent l’ambition de Laure Vouters, pareille au mot d’ordre du roman moderne : « décrire le monde tel qu’il est ». Pour y parvenir, elle nous place dans l’horizon du banal devenu enchantement. Il y a ici l’atmosphère d’un conte, comme si nous pouvions surprendre « le monde tel qu’il est » ... surtout lorsque nous n’y sommes pas. Cette magie de l’ordinaire, Laure Vouters est allée la chercher au-delà̀ de la frontière franco-belge, dans ce Borinage (Hainaut) où une folle joie de vivre paraît avoir poussé́ entre les ruines d’un séisme à longue portée : la désindustrialisation et la fin des Charbonnages. C’est un pays qu’un film, Misère au Borinage (Joris Ivens, 1932), a placé au sommet d’une longue tradition iconographique de description de la douleur, de la misère et de l’effort au travail. De cette nuit charbonneuse le Borinage a gardé́ un site dont Laure Vouters capte les monuments vivants et les pratiques collectives. Les Borains y habitent en Borains, dans un être-ensemble extrait de toute noirceur. Ce retournement mystérieux d’un destin que la mine écrivait pour toujours, nous le recevons et le reconnaissons dans ces relevés bruts du réel que sont les photographies de Laure Vouters. Elles ont le « fondu et la transparence de la vie ».
Lauréate OPENFOLIO/2 Institut pour la Photographie Lille
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